25 octobre 2025

À la découverte des préparations biodynamiques et de leur magie dans les vignes

Pourquoi s’intéresser aux préparations biodynamiques dans la viticulture ?

Aujourd’hui, le terme “biodynamie” se rencontre de plus en plus souvent sur les étiquettes. Or, loin d’être un simple argument marketing, elle s’appuie sur une philosophie agricole singulière, initiée par Rudolf Steiner en 1924. Au cœur de cette approche : les préparations biodynamiques, véritables “élixirs” pour la vigne. Mais que sont-elles concrètement ? Quel est leur rôle ? Pourquoi suscitent-elles autant de débats – et parfois, de scepticisme ?

Entrer dans l’univers des préparations biodynamiques, c’est pénétrer dans un monde de recettes artisanales, de pratiques proches du rituel, et d’interactions subtiles entre nature et viticulteur. Derrière l’image parfois folklorique du vigneron qui enterre des cornes de vache, se cachent pourtant des faits étonnants et des résultats tangibles, aujourd’hui étudiés par la science (INRAE, Demeter, IFOAM). Explorons ensemble ce qui fait leur spécificité.

Comprendre la biodynamie : principes et sens des préparations

La viticulture biodynamique part d’une vision : considérer la vigne comme un organisme vivant, imbriqué dans une agriculture harmonieuse avec son environnement. Les préparations servent à dynamiser ce “vivant”, renforçant la vitalité des sols, des plantes et la qualité du raisin.

  • Inspirées de la nature : la majorité des préparations utilisent des matières naturelles – plantes médicinales, minéraux, bouses de vache, silice, etc.
  • Agir sur le sol et la plante : les préparations ont pour but de renforcer la fertilité du sol, d’améliorer la résistance des plantes, et de soutenir l’équilibre écologique de la parcelle.
  • Une approche holistique : la biodynamie fait coïncider ses interventions avec les cycles lunaires et cosmiques, pour amplifier l’efficacité des préparations.

Ce n’est pas sorcier : un vigneron biodynamique utilise en général entre 8 et 9 préparations officielles (selon le cahier des charges Demeter), chacune ayant une fonction précise. Examinons-les en détail !

Zoom sur les préparations emblématiques : 500, 501 et les “préparations compost”

La préparation 500 – « Bouse de corne »

  • Composition : Bouse de vache fraîche, placée dans une corne de vache, puis enfouie dans le sol de l’automne au printemps (environ 6 mois).
  • But recherché : Favoriser la vie microbienne du sol, la formation d’humus, stimuler l’enracinement.
  • Mode d’application : La préparation, une fois extraite, est diluée dans l’eau, “dynamisée” (brassée de façon alternée pendant une heure), puis pulvérisée sur le sol à faible dose (en général 100g/ha, soit à peine une cuillère à café pour un terrain de la taille d’un terrain de foot !).

Des analyses récentes de l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, 2021) ont montré que cette préparation augmente l’activité biologique des sols et la diversité microbienne, notamment les mycorhizes, favorisant une meilleure résilience des vignes face à la sécheresse.

La préparation 501 – « Silice de corne »

  • Composition : Silice (quartz concassé) broyé et introduit dans une corne de vache, enfouie au printemps puis déterrée à l’automne.
  • But : Stimuler la photosynthèse et renforcer la vigueur de la plante, améliorer l’expression aromatique des raisins.
  • Application : Diluée puis pulvérisée sur la vigne, essentiellement sur les feuilles, généralement le matin.

Ce traitement est davantage ciblé sur la vitalité aérienne de la vigne. En Bourgogne, plusieurs domaines pionniers notent une maturité plus homogène des raisins et une meilleure résistance au stress thermique (source : Vigneron Magazine n°56).

Les préparations dites « compost » (502 à 507)

Elles sont au nombre de six, à base de plantes médicinales (achillée millefeuille, camomille, ortie, écorce de chêne, pissenlit, valériane) préparées de manière spécifique, parfois enveloppées dans des organes animaux (par exemple, vessie de cerf), puis incorporées au compost.

NuméroPlanteFonction
502Achillée millefeuilleFavorise la régulation du potassium & soufre
503CamomilleStimule la croissance et le calcium
504OrtieÉquilibre global, apport fer/magnésium
505Écorce de chêneRenforce la structure, réduit maladies
506PissenlitModulation du silicium, accroît fermentation
507ValérianeFavorise l’assimilation du phosphore

L’usage de ces préparations est validé par de nombreux retours de terrain : sur un vignoble témoin de 30ha en Nouvelle-Aquitaine, les analyses montrent une hausse des taux de matière organique de 11% en 4 ans, et une meilleure capacité de rétention en eau du sol (données : IFV/SIMEOS AMC).

Des pratiques “dynamiques” : mélange, brassage et calendrier lunaire

La dynamisation, cœur du rituel

Dynamiser, ce n’est pas seulement agiter : le brassage alterne énergiquement des mouvements de vortex et de chaos, toujours à la main ou parfois avec des dynamiseurs mécaniques, pendant une heure. Cette phase, perçue comme “énergisante”, vise selon Rudolf Steiner à “imprégner l’eau de la force de vie contenue dans la préparation”.

  • Traditionnellement, le brassage se fait dans de l’eau de pluie, dans des marmites en cuivre ou céramique.
  • La pulvérisation suit, toujours selon un calendrier lunaire, pour “soutenir” certains phénomènes naturels de croissance ou de résistance aux maladies.

Si cela peut susciter des sourires, plusieurs études (Université de Geisenheim, 2018) évoquent des effets positifs sur la solubilité des minéraux dans l’eau et une meilleure assimilation par la plante. La dimension lunaire, en revanche, manque encore d’études scientifiques rigoureuses, mais de nombreux vignerons observent des différences notables selon les phases lunaires.

Quels effets sur la vigne, le vin et l’environnement ?

  • Santé du sol : Laboratoire LAMS (Beaujolais, 2020) a montré que les sols biodynamiques hébergent 20 à 80% plus de vers de terre et une biomasse fongique supérieure par rapport aux conventionnels.
  • Résilience climatique : Sur une décennie, des domaines comme Zind-Humbrecht (Alsace) et Chapoutier (Rhône) observent une meilleure résistance au stress hydrique et aux maladies fongiques (oïdium, mildiou), avec parfois moins de traitements cuivre/soufre nécessaires (source : La Vigne, 2021).
  • Expressivité des vins : Analyses sensorielles (Académie d’Agriculture de France, 2019) révèlent des profils plus nets, une identité de terroir souvent mieux prononcée et une acidité naturelle préservée.

Il faut aussi rappeler que, pour obtenir la certification Demeter ou Biodyvin, l’usage des préparations est obligatoire, de même qu’une polyculture alentour (vergers, prairies, arbres…). Or, selon Eurostat, le parc de vignes certifiées biodynamiques ne représentait encore que 2,5% du total européen en 2023 – mais il est en croissance constante.

Préparations biodynamiques : critiques, science et expérience de terrain

Certains scientifiques évoquent l’absence de preuve stricte sur le mode d’action “énergétique” revendiqué par la biodynamie. Cependant, les résultats agronomiques sont de plus en plus étudiés : trois essais menés en Champagne, en Bourgogne et dans le Bordelais (projet Biodyvin-INRAE, 2016-2021) démontrent une activité biologique renforcée, une réduction de l’érosion et une résilience accrue des ceps.

Les critiques pointent aussi la difficulté d’objectiver les effets des cycles lunaires ou des quantités infimes de préparations, mais la dimension agronomique est difficile à nier : de nombreux vignerons soulignent aussi une redécouverte du métier, plus attentif, ancré dans le vivant. C’est peut-être là, au-delà de l’effet strict des préparations, que la biodynamie fait toute la différence.

S’inspirer des réussites et entretenir le dialogue

Au fil des années, les préparations biodynamiques sont devenues un trait d’union entre traditions anciennes et innovations écologiques. Leur usage s’étend de domaines de pointe (LEROY en Bourgogne, Château de la Selve en Ardèche, ou le Clos du Rouge-Gorge en Roussillon) jusqu’à des tout petits vignerons passionnés, soucieux de transmettre un terroir plus vivant.

  • De nombreux salons et journées portes ouvertes proposent aujourd’hui des ateliers pour découvrir les préparations (Millésime Bio, salons Demeter, Biodiv’in).
  • Des documents de référence : “La vigne en biodynamie” (Peter Proctor/Éditions Le Courrier du Livre), ou “Le choix de la biodiversité au vignoble” (INRAE, 2020).
  • Pour des suivis scientifiques : consulter les synthèses INRAE, IFV ou l’Observatoire de la Biodiversité des Sols.

Par leur simplicité (une poignée de plantes et d’attention), les préparations biodynamiques invitent à renouer avec une forme de sagesse agricole. Elles intriguent, questionnent, inspirent – et sont surtout un formidable terrain de dialogue entre science, expérience et respect du vivant. Rien n’empêche d’y jeter un œil critique, mais force est de constater : là où elles sont mises en œuvre avec rigueur, fertile est la terre… et grand est le plaisir dans le verre.

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